Le titre de
Paris sans fin est un clin d'oeil au livre mythique que Alberto Giacometti composa pendant plus de dix ans. Plus de 150 dessins retracent ses déambulations et son errance graphique dans les rues de Paris. Tiriade le publia trois ans après sa mort, en 1969.
J'ai entamé il y a plusieurs années une série de
Panoramas des Petits Riens des Petits Bouts du Monde. Un titre à rallonge que j'ai choisi pour déployer et se déplier comme les carnets Leporelli que je fabrique à l'atelier.
Pour ma part, mon
Paris sans fin se compose aujourd'hui d'une vingtaine de grands panoramas de la capitale. Mais il faut que je vous raconte ce qui m'a poussé dans cette direction.
Les Petits Riens de Paris. Vue de Belleville
29. IV. 2014. 11H22- 16H30. / 48° 52’ 17’’ N 2° 23’ 7’’ E
Dessin à l’encre de chine pigmentée sépia , rehaussé de cire aquarellée sur papier crème
Leporello 23 volets. Dimensions 14 cm X 207 cm en déplié
C'est d'abord le format particulier du
Leporello qui m’a amené à m’intéresser à la question du paysage en dessinant d’une page à l’autre, puis d’une autre page à une autre, et ainsi de suite... jusqu’à atteindre des dessins de plus en plus long et à représenter des panoramas de plus en plus étendus.
Quand mes
Petits Riens ont dépassé le mètre linéaire, je me suis alors lancé le défi de représenter des vues à 180° pour réaliser de longs dessins atteignant deux mètres.
Et puis, c’est en commençant à dessiner Paris que j’ai fait le lien avec une gravure que j’ai eu sous les yeux toute ma jeunesse, une spectaculaire vue de Paris (signée Noël Cochin), accompagnée de quatre vues panoramiques (de Nicolas Berey), datant du milieu du XVII ème siècle.
Est-ce ce qui m’aurait amené au cours de ces dernières années à rechercher des points de vue privilégiés qui nous procurent le sentiment de dominer le monde, de l’embrasser du regard, de le posséder, voire de s’y perdre et s’y dissoudre ? Comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ?
Il faut croire que les images que nous marquent lorsque nous sommes enfants imprègnent profondément nos imaginaires en les gravant dans notre inconscient.
Alors je me suis demandé si - trois siècles plus tard- je pouvais retrouver les vues décrites par Nicolas Berey sur cette fameuse gravure. Multipliant mes séjours parisiens, j’ai arpenté les rives de la Seine pour effectuer mes repérages jusqu’à pouvoir identifier deux points de vue restés assez proches et fidèles à ce qu’ils étaient près de trois cents cinquante ans plus tôt.
Les Petits Riens de Paris. Vue du Pont des Arts,
Galerie du Louvre, Isle du Palais et environs. Hommage à Noël Cochin et Nicolas Berey, trois siècles plus tard. 22. IV. 2016. 15H17 - 23. IV. 2016. 13H53 / 48° 51’ 33’’ N 2° 20’ 16’’ E
Dessin à l’encre de chine pigmentée sépia , rehaussé de cire aquarellée sur papier crème
Leporello 20 volets 9 X 14 cm. 180 cm en déplié
Toutes ces vues panoramiques posent incontournablement «la question de notre rapport au monde et au paysage». J'y dévoile le même rêve d'artiste qui animait Giacometti: dominer la vision et fixer un réel qui nous échappe.
Ces derniers jours, je suis revenue malgré le froid sur le pont des arts et commencé enfin la suite pour une vue à 360 °, mais je me réserve de partager cette histoire avec vous une prochaine fois..
Bénédicte Klène, chroni-croqueuse
https://www.flickr.com/photos/lespetitsriens/